La presse tunisienne souffrait depuis des lustres d’une dépendance accablante aux gouvernements successifs. Des hauts et des bas marquent toute époque. La répression vis-à-vis du 4ème pouvoir allait au gré des commandements. Le code de la presse a été réformé 4 fois depuis la promulgation du code de la presse au 28 avril 1975. Ce code a été modelé selon les préférences des pouvoirs existants assurant une protection aux empereurs et à leurs sbires contre toute divulgation probable de leurs pratiques illicites.
Un aperçu historique s’impose :
Arra'id Attunisi est le premier journal tunisien paru le 22 juillet 1860 sous le régime de Sadok Bey. Afin de contrecarrer le pouvoir colonialiste français, la voix criarde des tunisiens a réussi à lancer en 1907 le premier journal en langue française qui a été intitulé Le Tunisien. Depuis, la prolifération de journaux a été intense. D’un autre coté, la presse était un support efficace pour les partis politiques tunisiens. Au 1er janvier 1961 la TAP (Tunis Afrique Presse) a pris forme. Ainsi l’histoire du drame journalistique a commencé…
Parti politique
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Journal correspondant
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Date de parution
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Mouvement Attajdid
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Attarik al jadid
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7 octobre 1981
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Parti de l’Unité Populaire
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Al Wihda
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10 octobre 1981
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Parti Démocratique Progressiste
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Al Mawkef
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12 Mai 1984
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Ennahdha
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Al Fajr
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21 Avril 1990
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Forum Démocratique pour le Travail et les Libertés
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Mouatinoun
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15 janvier 2007
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Mouvement Démocratique Socialiste
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Al Mostakbal
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Parti des Ouvriers Communistes Tunisiens
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Sawt Echaab (Al Badil)
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Parti du Travail National Démocratique
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Al Irada
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Parti Social Libéral
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Oufok
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Quant à la télé nationale, elle a vu le jour le 31 mai 1966 sous le nom de RTT (أ ت ت). Le première diffusion était en 1963 et avait pour objet la célébration solennelle de l’évacuation de Bizerte. Les émissions en couleur commençaient à être produites dès la fin de l’année 1976, plus d’un an après l’institution du code de la presse…
La dénomination de la télé tunisienne est le premier détail qui a changé avec la prise de pouvoir du second tsar. TV7 était la nouvelle appellation de la télé. Le 7 symbolique colorié de violet s’ingère partout comme si on légitimait le coup d’état établit.
Le problème des médias était très aigu. L’image qui subsiste encore dans les mémoires des tunisiens vis-à-vis de la télévision tunisienne est la fameuse baignade de Bourguiba en direct de sa demeure à Monastir. La télé comme organisme a été témoin de plusieurs mutations ; un directeur peut être nouvellement désigné le matin et licencié le soir du même jour suite à la diffusion d’un programme qui semble irriter sa majesté le roi (du déjà vu).
« La Tunisie avait encore un long chemin à parcourir est qu’elle doit adopter des mesures visant à renforcer la protection des Droits de l’Homme et en particulier le droit à la liberté de presse et d’opinion » M. Abid Hussein, rapporteur spécial des Nations Unies (Février 2008)
Les crises médiatiques dégénèrent :
Les rapports périodiques de la FDTH mettaient le doigt sur des constats fulgurants. La succession des amendements du code de la presse étouffait de plus en plus les gens du métier et les supports médiatiques. En plus, c’est insolite de percevoir que chaque amendement venait juste à la 2ème année du mandat de dictateur.
Interdiction de parution, pression sur les imprimeurs, censure pseudo-légale ou emprisonnement des personnalités correspondantes, tous les moyens étaient bons pour assommer le 4ème pouvoir. La soumission au dépôt légal est l’outil de censure par excellence ; le dépôt légal prend en considération :
- Tous documents imprimés tels que, livres, périodiques, images, gravures, cartes postales, posters, cartes géographiques, magazines, publications ou autres.
- Les enregistrements musicaux, sonores et visuels, les photos, les logiciels informatiques devant être mis à disposition du public à titre onéreux ou gracieux ou à des fins de diffusion.
Rien ne passe inaperçu, le filtre est toujours activé au ministère de l’intérieur.
L’article 13 du code de la presse :
«Toute publication périodique doit faire l’objet avant la diffusion, d’un dépôt de préavis contre récépissé, au ministère de l’intérieur lequel se charge d’en communiquer les copies au secrétariat d’Etat à l’information et au procureur de la république faisant mention de tous les documents joints»
L’article 14 du code la presse :
« L’imprimeur est tenu d’exiger un récépissé du ministère de l’intérieur datant de moins d’un an avant l’impression de tout périodique»
L’ATCE est l’organe étatique qui était chargé de l’étude et de la censure des documents précisés ci-haut. Son dévouement a eu le mérite de censurer plusieurs journaux et périodiques qui pour la plus part étaient de tendance politique.
Concernant la presse médiatisée, tout journal télévisé semblait être dicté par l’ATCE même ; le commencement est toujours le même : Mr le président… a fait, Mr le président… a dit, Mr le président… a présidé. On avait l’impression aux premiers abords que Mr le président est l’unique fonctionnaire sur le territoire tunisien. Puis une transition vous mène à des tas d’acclamations et de remerciements à Monsieur pour ses œuvres, apparemment caritatives, touchant souvent les mêmes zones d’ombres qui n’ont jamais vu le jour depuis. Un bref aperçu sur les actualités dans le monde suivait où on évitait tout ce qui peut toucher à des relations délicates entre notre gouvernement corrompu et tout autre gouvernement frère et/ou ami…
Le sport, plus exactement le foot, avait toutefois la place prépondérante dans le JT. La rubrique sportive servait d’ailleurs à voiler les manquements subis dans tout les supports de presse que ce soient des supports média ou des supports papier.
De ce fait, le niveau des présentateurs régressait dans le temps. Faire taire les voix des justes les habitue au silence.
Le programme de la télévision tunisienne ne contenant pas de matière consistante regorgeait de documentaires à cinq sous, de feuilletons arabes ou mexicains, de matchs de foot et d’émissions clonées dépourvues de toute valeur. À voir l’état actuel des choses, la conclusion vient naturellement éclairer les non-dits : abrutir les esprits des journalistes est la mission que l’ancien pouvoir a réussie le plus à réaliser.
Tunis : la (longue) liste des invités
J’ai suivi l’évolution du journal quotidien « La Presse » post-révolutionnaire. J’ai constaté qu’il y a une expression plus affranchie via les articles osés de Sofien Ben Farhat, ceux de Sadok Belaid, les calomnies de Youssef Seddik ou les opinions publiques. Ce journal se vendait à cette période comme des petits pains. Au point qu’il n’en restait pas le soir.
Cependant ce journal passait dernièrement par une phase critique financièrement et moralement ; c’était le coût du succès. C’est ce qui a dégradé le contenu du journal. La page des opinions publiques est pareille chaque jour ; on reprend les mêmes sujets de la veille, de l’avant-veille et du mois précédent. Les articles qu’on classifiait comme osés ont perdu leur valeur. L’euphorie a passé et il n’en reste plus que des sifflotements.
Dernièrement un contre-courant inhabituel a poussé les journalistes à boycotter la conférence de presse du porte parole du gouvernement Mr Taïeb Baccouche. Un acte de bravoure qui leur a valu la réprimande (pas la première dans son genre) du premier ministre un jour après, à l’occasion du conseil de la haute instance de Ben Achour. Et le drame continue… Ne ratez surtout pas les épisodes à venir !